Musée de la minoterieSecrets de Fabriques

Musée de la minoterie

Du patrimoine drapier à la fabrication de la farine, 2 siècles d'industries

La minoterie de La Mure-Argens, construite au tournant du XIXe/XXe siècle, est construite à l'emplacement d'une ancienne fabrique de draps, et probablement d'un moulin. D'abord propriété de la famille Pascal qui ouvre une draperie en 1827, c'est en 1862 que la famille Dol rachète le site. D'abord draperie, le site est transformé en minoterie dans les années 1900. Cette minoterie fonctionnera jusqu'en 1972.

Il existait déjà un moulin à cet emplacement (ou à proximité) sous l'Ancien Régime, il apparait dans différents documents d’archives dès 1645. Lors de la Révolution, la Commune devient certainement propriétaire du moulin, même si aucun document ne permet d’en préciser la date. Sur le cadastre napoléonien, en 1838, figure encore un moulin dont les mécanismes sont mis en mouvement par les eaux de l'Issole dérivée. Sur ce document figure la notion biffée de « fabriques de draps » car c’est en effet à partir de 1826 que Pascal Pascal, filateur, propriétaire des terrains récemment acquis, fait construire le bâtiment dont la production de draps constituera l'activité principale. La fabrique subit un important incendie en 1861. Cet incendie oblige manifestement la veuve Pascal et ses enfants mineurs à vendre. Le bâtiment n’offre alors plus que quatre murs calcinés. Edouard Dol en devient propriétaire en 1862. A partir de cette date, l’histoire de la famille Dol devient indissociable de celle du moulin jusqu’à l’arrêt de l’exploitation en 1972, voire jusqu’à la vente du bâtiment à la collectivité en 2010.

Même si la draperie Pascal est l’une des premières (avec sa voisine la draperie Honnorat située juste en face en rive droite de l’Issole), sa présence sur le territoire durant les années 1820-1890 n’est pas un phénomène isolé. La haute vallée du Verdon est en effet connue pour sa proto-industrie textile très ancienne qui prendra au XIXe siècle un virage résolument industriel marqué par le développement des unités de production dans toutes les vallées du Verdon. La draperie Pascal employait quelques dizaines de personnes au XIXe siècle, et même jusqu'à 80 ouvriers dans les années 1850. Pour des raisons socio-économiques multiples, à partir des années 1870-1880, la plupart de ces usines fermèrent. Le décès d’Edouard Dol en 1886 ne signe pourtant pas l’arrêt de la draperie, celle-ci existe toujours en 1888. Mais la draperie Pascal devenue Dol, ne résistera tout de même pas indéfiniment à l’hécatombe et l'activité cesse vers 1895. Achille Dol aménage alors une minoterie en 1902 et c’est ce nouveau moulin que ses deux fils Firmin et Joseph déclarèrent au tribunal de commerce de Castellane en 1920 sous l’appellation « Minoterie des Alpes ».

La construction de la minoterie est décidée dans un contexte particulier. Le XIXe est un âge d’or pour les moulins. Le territoire présente une géographie propice à l’exploitation de l’énergie hydraulique qui a facilité l’installation de nombreux moulins, tant et si bien qu’à la fin du XIXe chaque village possédait un ou plusieurs moulins à farine. Le plus souvent une simple bâtisse de taille modeste connectée à un canal de dérivation qui entrainait une ou deux roues horizontales, elles-mêmes activant une paire de meules. Mais à la fin du XIXe, le monde de la meunerie va connaître une véritable révolution qui va la faire basculer dans l’univers industriel. La mécanisation de la production de la farine, avec notamment l’invention des broyeurs à cylindres et les plansichters va permettre de produire plus et mieux dans des unités de production beaucoup plus importantes. Les échelles géographiques d’approvisionnement en matière première et d’écoulement des productions vont radicalement s’étendre. La minoterie s'approvisionnait en blés de la région pour une petite part, et surtout de blés en provenance du centre de la France et de la région du Mans (témoignage oral de M. Ernest Dol). Des archives attestent de livraison de grains en provenance du Canada. La minoterie pouvait
broyer jusqu'à 15000 quintaux de blé par an. La turbine installée au début du XXe siècle permettait aussi d'alimenter en électricité la limacière située quelques dizaines de mètres en aval sur le cours de l'Issole. Même s’il semble avéré que la ligne des Chemins de Fer de Provence a joué un rôle dans le développement de
l’activité du moulin, la minoterie n’aura jamais été un moulin très important, et les statistiques industrielles de 1924 la classe en 5ème position des moulins du département. La minoterie de la Mure était donc un moulin industriel de taille moyenne et au fonctionnement familial. La production du moulin déclinera à partir des
années 1960. L’usine est de moins en moins compétitive dans un contexte d’avènement des énergies fossiles à bas coût, de concentration de l’activité au sein de plus grandes unités de production, plus proches des grands bassins de population. Le moulin cessera son activité en 1972.

 

Pour en savoir + :

La Minoterie des Alpes, Itinéraire du Patrimoine, édition Lieux-dits, 2016.

https://patrimages.maregionsud.fr/